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Les « maisons d’assistantes maternelles » en quête de légitimité

Des normes contraignantes

lundi 9 décembre 2013, par Maryvonne

Depuis 2010, les assistantes maternelles peuvent garder des enfants hors de leur domicile, en se regroupant au sein de « maisons d’assistantes maternelles ». Des contraintes demeurent cependant. Reportage au « Petit Poucet » de Lieusaint (Seine-et-Marne)

Maryvonne Papouin vice-présidente de l’ANRAMAM tient à préciser qu’elle n’a pas indiqué que "L’association demande à ce que ces normes ne concernent que les parties dans lesquelles les parents sont accueillis (rampe d’accès par exemple)." Comme cela est indiqué dans l’article ci-dessous.

Elle a précisé que s’il y avait une demande concernant un accueil nécessitant de faire des aménagements particuliers, cela serait alors étudié avec tous les partenaires concernés.

Les « maisons d’assistantes maternelles » en quête de légitimité

Depuis 2010, les assistantes maternelles peuvent garder des enfants hors de leur domicile, en se regroupant au sein de « maisons d’assistantes maternelles ». Des contraintes demeurent cependant. Reportage au « Petit Poucet » de Lieusaint (Seine-et-Marne).

C’est l’heure de la sieste. Au « Petit Poucet », pas un bruit : neuf enfants de quelques mois à 2 ans dorment à poings fermés à l’étage. La façade de cette « maison d’assistantes maternelles » (MAM), située à Lieusaint (Seine-et-Marne), ne paie pas de mine mais à l’intérieur, tout est propre, rangé et joyeux : murs décorés, matériel de puériculture coloré, grandes fenêtres qui donnent sur un jardin où un minitoboggan et une cabane attendent les beaux jours. Profitant de ce temps calme, Virginie, Barbara et Nathalie échangent autour d’un jus d’orange.

« Retrouver une vie sociale », pour les assistantes maternelles

Les trois femmes ont ouvert cette maison il y a deux ans, avec un projet précis en tête : offrir une structure d’accueil souple à 12 enfants en bas âge, avec un projet pédagogique bien défini, leur permettant de travailler hors de chez elles. Jusque-là, ces assistantes maternelles gardaient deux ou trois enfants à leur domicile, comme c’est souvent le cas, et travaillaient donc seules. « Mes propres enfants ayant grandi, j’avais envie de retrouver une vie sociale », explique Virginie, à l’origine de l’idée.

Cela tombe bien : depuis juin 2010, la loi autorise la création de « maisons d’assistantes maternelles », c’est-à-dire le regroupement de quatre assistantes maternelles au maximum, pour garder jusqu’à 16 enfants dans un local commun. Les contrats restent de droit privé, chaque assistante maternelle – qui doit disposer d’un agrément du conseil général – étant employée par un ou plusieurs parents. Un statut qui distingue la maison d’assistantes maternelles des autres structures d’accueil collectif, crèches municipales, familiales, microcrèches, etc.

Dans un contexte de pénurie de modes de garde – il manque environ 350 000 places pour satisfaire la demande –, l’enjeu est de taille. D’autant que d’après l’Insee, 40 % des assistantes maternelles partiront à la retraite d’ici à 2020. Il faut donc rendre le métier attractif. À cet égard, la maison d’assistantes maternelles présente de nombreux avantages : le travail en équipe, la possibilité de se remplacer, de partager les frais. Surtout, plus besoin de disposer d’un grand appartement, une condition difficile à remplir aujourd’hui.

Une sécurité pour les parents

Du côté des parents, les atouts existent : une plus grande sécurité, puisque chaque assistante travaille sous le regard de ses collègues, et une plus grande amplitude horaire grâce à la « délégation d’accueil ». En vertu de ce principe, chaque parent accepte qu’en cas d’absence de « leur » assistante maternelle, une autre nounou de la « Maison » puisse prendre le relais. C’est la pierre angulaire du système : une assistante peut assurer une présence tôt le matin, tandis que sa collègue s’occupera des enfants en fin de journée, à la condition qu’il n’y ait jamais plus de quatre enfants pour un adulte.

Toutes ces possibilités ont séduit Virginie, qui a rapidement convaincu Barbara et Nathalie de la rejoindre. Pendant plusieurs mois, ces trois professionnelles ont affiné leur projet pédagogique, qui fixe les règles : les horaires, les activités, les grands principes éducatifs, etc. « Pour que la MAM fonctionne, il faut être sur la même longueur d’onde, observe Virginie. Ici, par exemple, on estime qu’il faut poser des limites à l’enfant, une assistante maternelle trop laxiste ne trouverait pas sa place. Tout le monde doit être d’accord dès le départ. » La pérennité du projet en dépend, dans un secteur où un important turnover a été constaté.

Des normes contraignantes

Il a fallu aussi trouver un local. En sollicitant la mairie, les trois femmes ont obtenu de pouvoir louer à un prix raisonnable une petite maison jusque-là occupée par une association. « On a dû mettre la main à la pâte », se souvient Nathalie : récolter des fonds en faisant des brocantes le week-end, repeindre et aménager, acheter des chaises hautes, des lits à barreaux, un parc, des livres, etc.

Au final, toutes trois affirment qu’il n’y a pas de motivation financière à créer une maison d’assistantes maternelles. « Entre le loyer du local et le financement des activités, on gagne moins qu’en travaillant chez nous », assure Virginie. Elle calcule : 600 € net par mois et par enfant. Elle ne regrette cependant pas son choix : « En MAM, on a plus de marge de manœuvre pour organiser des sorties, des petites fêtes, pour approfondir l’approche pédagogique. Et puis, on est moins isolées. » Il y a peu,

en désaccord avec une maman, Nathalie a été brutalement licenciée – elle avait refusé de garder une fillette atteinte de bronchiolite, par peur de la contagion. « Avec ce licenciement, je me suis remise en question. Être plusieurs, c’est apaisant, ça rassure », confie-t-elle.

Pourtant, il s’en est fallu de peu. Au départ, les normes incendie étaient si contraignantes que l’ouverture a été retardée. « L’escalier était trop étroit, les matériaux de la toiture n’étaient pas assez protecteurs… On a perdu un an », déplore Virginie.

La question du handicap

Plusieurs structures étant confrontées aux mêmes difficultés, le gouvernement a assoupli les règles en 2011 – qui restent néanmoins assez strictes. Mais un autre défi se pose, celui de l’accessibilité pour les personnes handicapées. Pour l’Anramam (Association nationale de regroupements d’associations de MAM), ces normes ne sont pas adaptées à la spécificité des maisons d’assistantes maternelles et menacent leur survie. « En théorie, il faudrait un ascenseur lorsqu’il y a un étage, des codes couleur pour les malvoyants, etc. Si l’on suivait les textes à la lettre, 80 % des MAM fermeraient ! », observe Maryvonne Papouin, sa vice-présidente. L’association demande à ce que ces normes ne concernent que les parties dans lesquelles les parents sont accueillis (rampe d’accès par exemple). « Dans une crèche, les parents ne sont pas censés se rendre à la cuisine, celle-ci n’a pas besoin d’être adaptée », poursuit la responsable. Lors d’un colloque organisé en novembre au Palais du Luxembourg, trois sénateurs, les centristes Jean Arthuis et Muguette Dini et la socialiste Michelle Meunier, ont demandé à ce que les maisons d’assistantes maternelles « puissent bénéficier de facilités dans l’application de (ces) règles ».

D’une façon générale, un débat s’est noué depuis 2010 autour du « cadre » à imposer. Pour les uns, il doit s’agir de structures souples, prolongement du domicile. Ainsi, Fabienne Padovani, vice-présidente du conseil général de Loire-Atlantique, estime qu’« on ne peut pas demander les mêmes normes aux MAM et aux microcrèches, à moins de décourager toutes les initiatives ». D’autres, en revanche, se méfient d’une trop grande souplesse. C’est le cas de la ministre déléguée chargée de la famille, Dominique Bertinotti, qui se veut très « vigilante » concernant la sécurité, comme elle l’a rappelé lors du colloque au Sénat.

En attendant, des maisons d’assistantes maternelles ouvrent ou vont ouvrir. D’après l’Anramam, 627 ont déjà vu le jour et près de 700 seraient en cours d’ouverture. Pour la mère de Méline, l’une des « pensionnaires » du Petit Poucet, c’est un mode d’accueil satisfaisant. « Ma fille est épanouie, je la laisse en toute confiance. Quant aux horaires d’ouverture, ils sont très pratiques quand on travaille, remarque cette femme de 32 ans. Si j’ai un autre enfant, je l’inscrirai ici sans hésiter. »

Un mode de garde très utilisé

D’après la Cour des comptes, de 2008 à 2011, le nombre d’assistant(e)s maternel(le)s a augmenté de 32 344, soit une progression de 12 %. Ils proposent désormais plus de 735 000 solutions d’accueil à des enfants de moins de 3 ans (en forte hausse), devant les crèches (382 000), les nounous à domicile (48 000) et la pré-scolarisation (94 000) – qui a fortement chuté ces dernières années. Ils représentent donc le premier mode de garde de la petite enfance extérieur à la famille.

D’après l’Insee, 37 % des assistant(e)s maternel(le)s, soit plus du tiers, ont 50 ans et plus. Du fait de ce vieillissement, 40 % partiront à la retraite avant 2020. La Cour des comptes note, par ailleurs, que le reste à charge pour une garde par une assistance maternelle demeure élevé pour les foyers modestes, qui y ont peu recours.

MARINE LAMOUREUX

Source : Article La Croix du 9 décembre 2013

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